> Fini l’ESPRIT DE SACRIFICE
Ici ou là, on entend la complainte déchirante des nostalgiques de la vallée de larmes où, il n’y a pas si longtemps, une soixantaine d’années, hommes et femmes devaient souffrir pour expier on ne sait quels pêchés. Leur soumission grossissait les rangs des damnés du turbin et du casse-pipe. La modernité a eu au moins l’avantage de nous affranchir de ce pensum rédempteur : l’esprit de sacrifice est une vieillerie qui a été jetée avec l’eau saumâtre du bain de sang. Dans le même temps, les deux grandes religions qui avaient cautionné mille crimes – le catholicisme et le communisme – pareillement tombées en désuétude ont cédé la place à l’individualisme et à ses expressions : narcissisme et nombrilisme. Désormais, la grande majorité des Occidentaux entendent vivre heureux ici et maintenant, jouir sans entraves, faire l’amour pas la guerre, interdire d’interdire, refuser de perdre sa vie à la gagner… Traduction actuelle des slogans de 68, le Big Quit a conduit 38 millions d’Américains à démissionner de leur job en 2021 pour retrouver du sens et de l’intérêt à leur travail. Et davantage de pépettes of course. Chez nous, 520 000 prolétaires les ont imités au cours du premier trimestre de 2022. Dans les sondages, nos compatriotes confient qu’ils préfèrent, dans une proportion des deux tiers, un surcroit de temps libre à un supplément de revenus.
Si l’on rapproche cette nouvelle américanisation de notre habitus, de la contestation résolue et massive contre la réforme des retraites, il apparait qu’ici comme là-bas, tout le monde rêve d’obligations laborieuses nouvelles, apaisées et enrichissantes.
Ce desiderata infiniment légitime arrive dans une conjoncture préoccupante.
Le sud global se lève contre l’Occident – liberté, démocratie et raison – nos valeurs, devront peut-être, ce qu’à Dieu ou Diable ne plaisent, être défendues les armes à la main.